Carnet de voyage des parents de retour en Europe
Mardi 2 septembre :
Notre voyage est terminé, tout est rentré dans l’ordre. Je retrouve le chemin du bureau à vélo évidemment –en ayant gagné 4 minutes sur mon trajet habituel, que ne faut-il pas faire pour gagner du temps !- et les enfants le chemin de l’école.
Tous les trois sont ravis de retrouver les amis et le rythme plus régulier de la classe. Première soirée à la maison après la rentrée, les langues n’arrêtent pas pour raconter leurs premières découvertes et impressions de ce retour à la vie normale. Restent beaucoup de choses à partager !
|
Mercredi 20 août, 17
heures, nous retrouvons avec émotion la maison. Il nous faudra bien une
petite semaine pour ranger tous nos cartons inutiles. Cyril a du mal
à s’endormir dans sa grande chambre après une année à dormir à
trois dans 4m². Il insiste pour monter la tente dans le jardin !
Tous retrouvent leurs jouets et restent fourrés chez les amis toute la
journée. Reste à nettoyer le jardin qui a un peu souffert de la sécheresse.
Nous mettons la dernière main à la pâte et nous offrons pour la première
fois un petit plongeon dans le lac du Bourget. Ironie du sort, la nuit même,
une violente tempête souffle sur tout le village, accompagnée de
pluies diluviennes après deux mois de sécheresse, arrachant les
arbres, détroussant les toits des maisons, comme pour nous inciter à
mieux repartir. La faîtière se défait, nous voyons une pluie de
tuiles tomber sur la voiture et les arbres s’abattrent un à un. Au
matin, nous sommes réveillés par l’eau qui coule dans la maison…
ça nous rappellerait presque la tente dans la presqu’île de
Coromandel en Nouvelle-Zélande après des jours de pluies diluviennes.
Nous passerons donc ces derniers jours transformés en
charpentiers-couvreurs et bûcherons. Nous nous en sortons finalement
sans trop de casse par rapport à d’autres. Dans ces circonstances, le
grand bénéfice est de voir avec satisfaction l’entraide fonctionner
à plein entre voisins, une occasion comme une autre de les retrouver… |
Le Bourget du Lac le 20 août Nous traversons la
Haute-Maurienne en se disant que nous y retournerions bien passer nos
prochaines vacances. Que la montagne est belle à quelques pas de chez
nous au pied de la Vanoise ! Un peu après St Jean de Maurienne,
Laurent Robin, un pompier d’Aix-les-Bains vient nous rejoindre sur son
vélo couché pour partager nos derniers kilomètres. Il part bientôt
pour un tour du monde de deux ans pour collecter des fonds pour sauver
une petite fille atteinte d’une grave maladie. Que la conduite des
français au volant nous paraît peu respectueuse et agressive sur les
quelques kilomètres de RN6, sans respect pour nous pauvres usagers de
la route de seconde zone. Le contraste est frappant avec les conducteurs
des pays du tiers monde et même des italiens pourtant réputés mauvais
conducteurs ! Je crois que nous aurons été plus klaxonnés dans
ces derniers tours de roue que durant tour le reste de notre voyage.
Nous passons notre dernière nuit à St Pierre d’Albigny, rejoint par
des amis pour cette ultime veillée. Nous n’aurons jamais campé si près
de la maison ! Le lendemain, nous
rejoignons les nombreux amis venus nous accueillir au lac St André.
Nous sommes tous très émus de retrouver les parents, les amis, les frères
par cette belle journée d’été. La télévision, la radio et la
presse sont là pour les premiers interviews. Les enfants s’y prêtent
de bonne grâce. Les enfants retrouvent leurs petits copains… sans
doute ceux qui leur auront le plus manqué cette année. Avec ce peloton
d’une bonne cinquantaine de cyclistes de tous âges, nous remontons
l’avenue verte jusqu’à Chambéry pour une traditionnelle photo
devant les Elephants, notre tour Eiffel chambérienne. Avant le retour
chez nous, il nous faut faire un crochet par le service des eaux qui
voulait nous faire attendre une semaine pour nous rétablir l’eau dans
nos pénates –impossible sans votre signature ! Et c’est avec
une foule de supporters que nous allons triomphalement signer notre
contrat d’eau courante, qui signe aussi notre
retour à la civilisation… A peine signé le contrat
d’ouverture des eaux, c’est le ciel qui commence à pleurer, normal.
|
Termignon le 17 août Nous remontons le lendemain la vallée Italienne de Susa jusqu’au pied du Mont Cenis, dernière épreuve du voyage. Dire que ce ne fut qu’une formalité serait un peu exagéré mais c’est sans difficulté que nous basculons vers la France.
L’excitation des enfants est à son comble de retrouver la France. Après la descente sous la pluie maîtrisée comme un pro par notre petit Cyril sur le petit vélo, nous nous jetons à Termignon sur la boulangerie et la fromagerie pour déguster avec délice notre première baguette accompagnée d’une bonne tome. Nous en rêvions depuis longtemps ! |
Turin le 17 août En passant la dernière chaîne de montagnes qui nous sépare de la méditerranée, nous dormons en forêt et nous ne sommes qu’à moitié rassurés. Les ours bruns sont très nombreux par ici et le parc national voisin en abrite plus de 400. C’est d’ici que viennent nos plantigrades pyrénéens. Nous mettons nos sacoches de nourriture à l’écart mais ces précautions s’avèreront inutiles et la nuit calme… Juste après notre dernier col, le changement de climat est brutal et nous descendons en quelques lacets vers la canicule du bassin de l’Adriatique. La température dépasse bien les 40° mais l’air est beaucoup plus sec qu’en Indonésie et finalement beaucoup plus supportable. Nous rejoignons pour quelques jours mon frère Bruno en vacances sur l’île de Krk sur la côte dalmate, non sans nous être perdus plus de 4h dans la garrigue en plein soleil… histoire ne prendre un dernier raccourci par les petits chemins pour aller plus vite. Nous retrouvons le riche héritage de la civilisation européenne, les influences byzantines, vénitiennes, slaves et ottomanes… et toutes les nations d’Europe venues faire trempette au bord de la grande bleue. Nous revoilà devenus touristes ! Dernière ascension –enfin nous le croyions- avant de passer en Italie, dans la traversée de l’Istrie. Nous prenons les petites routes bien escarpées pour éviter les grands axes… C’était sans compter sans les nouvelles frontières de l’Europe. Avant de rentrer en Slovénie, un policier nous arrête pour nous annoncer que le poste frontière international figurant sur notre carte n’existe pas ! Il nous faut tout redescendre, remonter et redescendre tout ce que nous venons de faire et faire une boucle de plus de 50km. Quelques 50km et 1500m de dénivelé plus loin nous passons la frontière et le douanier ne regarde même pas nos passeports ! Venise le 15 août, on ne peut trouver pire pour visiter la cité des Doges. Pourtant le charme de cette ville impossible agit toujours. Le bas des maisons et les portes présentent tous les stigmates de l’enfoncement jusque là inéluctable de la ville dans la mer. La dimension de cette ville sur l’eau est impressionnante, comme est impressionnant l’exemple grandeur nature de toute une ville sans voiture… et sans vélo tant les pont à franchir sont nombreux ici ! Nous poursuivons notre tour par la vallée du Pô à travers l’Italie du Nord pour découvrir de magnifiques cités aux centres historiques magnifiquement préservées. La voiture, peu efficace dans les ruelles étroites et trop consommatrice d’espace a été chassée des centres-ville et le vélo est roi pour aller faire les courses. Aux abords des grandes villes pourtant, les ceintures autoroutières, les 2x2 et 2x4 voies ont l’allure de remparts infranchissables pour nos petits vélos et plusieurs fois la signalisation nous ramène inexorablement vers ces champs de la mort dont nous nous faisons à plusieurs reprises sortir manu militari par les forces de l’ordre fermes mais courtoises ici. Nous arrivons à Turin de nuit sous un orage bien désemparés. Le camping est à l’autre bout de la ville sur les hauteurs et le suivant est à plusieurs dizaines de kilomètres. Et comme bon nombre de fois durant tout ce voyage en famille, les portes s’ouvrent miraculeusement. Cette nuit là, les portes miraculeuses sont celles de Erica, une cyclotouriste turinoise qui rentre comme nous de Croatie et nous invite à passer la nuit chez elle. |
Zagreb, le 6 août Nous traversons tout ce secteur dans la plus totale indifférence. Où est passée l’hospitalité hongroise paraît-il légendaire tant vantée dans les prospectus touristiques ? Contrairement aux autres pays traversés, les langues changent sans arrêt dans nos petits pays d’Europe. L’allemand, que nous ne parlons pas est très répandu en Europe de l’Est et l’anglais y est relativement peu parlé. Nous restons trop peu de temps pour nous investir dans un apprentissage minimum de nouvelles langues, ce qui se ressent dans nos relations. Robin est là pour nous aider. Nous traversons néanmoins en sécurité, tout le tour du lac est équipé d’itinéraires cyclables balisés et bien protégés. Les souvenirs de la guerre ici ne sont pas très loin. Si la vie a repris son cours, ça et là dans les villes, les impacts de balles sont encore bien visibles. Comment peut-on imaginer qu’en pleine Europe, dans des campagnes qui ressemblent autant aux nôtres, des peuples aient pu se déchirer et s’entretuer presque à nos portes ? La sortie par la porte démocratique des nationalistes a semble-t-il calmé les tensions mais la haine restera encore sans doute vive pour des générations. |
Budapest le 29 juillet A notre arrivée à l’aéroport de Budapest, nous sommes accueillis par Robin, un ami d’école hongrois de Maylis dont les parents, internationaux de handball dans des clubs français sont retournés travailler en Hongrie. Bien déçue de son départ l’année dernière, elle ne s’imaginait pas le revoir de si tôt ! Les enfants sont accueillis dans la famille de Robin, qui nous met à disposition pour tous les deux un appartement en plein centre de Budapest ! Après une année soudée à nos enfants, quel bonheur de se retrouver tous les deux en amoureux à flâner dans Budapest. C’est une ville double magnifique avec Buda juché sur son éperon à l’ouest et Pest plane qui s’étend à l’est séparés par un Danube qui n’a par contre plus rien de bleu. Toute la ville est parsemée d’églises somptueuses dont les influences baroques sont clairement perceptibles. Les fastes de la grande époque de l’empire austro-hongrois jouxtent les quelques vestiges de l’époque stalinienne. Les antiques Trabant croisent le dernier modèle de chez Pigeot et toute la ville semble coupée en deux entre une Hongrie résolument tournée vers l’avenir radieux des centres commerciaux et des buildings qu’offre une Europe maintenant proche et une Hongrie des cités pauvres où chômage, alcoolisme et délinquance sont les seuls horizons pour les oubliés de la croissance. On ne peut que souhaiter que cette nouvelle Europe que l’est découvre ne soit pas que celle des marchés financiers ou les déconvenues seront cinglantes. Nous profitons bien de ces quelques moments de liberté pour nous offrir une longue balade dans les lumières dorées du soir et un délicieux petit resto dans le vieux Budapest. |